Normalement à la lecture de ces mots des regards de haine et/ou d'envie se font. Ne partez pas tout de suite, posez vous, prenez une binouze, du pop corn et tout le toutim.
Chaque année on part avec 2 potes en roadtrip d'une ou deux semaine. Ayant parcouru la quasi intégralité du sud-est, de Nice au Léman, et de Menton (frontière italienne) aux Cévennes (on y inclut l'Ardéche, le Vercors et tout ce qu'il y a entre) et une bonne partie de l'Italie de l'ouest, on en est arrivés à un point où pour trouver de nouvelles routes on ne doive faire un minimum de 4h d'autoroute.
Donc pour la faire courte, j'ai opté pour les Dolomites et le Tyrol, une petite boucle de 3400km et 105.8km de dénivelé positif et 105.4 de dénivelé négatif (et non y a pas d'erreur, c'est bien 105 000 métre), 0 autoroute, 0 voie rapide, du TT par ci par là et le max de cols de montagne. Préparation du tracé pendant quelques semaines et résultat :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Du coup je l'ai appelé "Faut pas toucher le vert" hahaha
Un autre pote nous rejoint pour le trip et on part un beau vendredi midi, grand soleil, 3 bécanes et madame en sds. On trace vers Gap par la route Napoléon, grand soleil, 29°. Que demande le peuple! Notre pote nous rejoint le lendemain vers Chambéry. Petit repos et départ tôt le matin avec petit pique nique sur la route et tout le toutim. A mi chemin, le ciel devient gris, on passe l'aprés midi entre éclaircies et petite pluie, mais au moins on se rapproche de notre destination.
Arrivée le soir, notre pote nous rejoint, on rechecke la trace et pris d'un doute, je vérifie l'ouverture des cols... Col fermé. 6 métres de neige, et évidemment, seul moyen de passer en italie, petit changement, de programme et obligé de passer par le tunnel du Grand St Bernard à 3h de route du point actuel, soit un détour de 2h et quelques, la journée vient de passer de 4 à 6h de roulage. Bon. Pas grave on se dit, au moins on va voir de beaux décors!
Au petit matin on part et ...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Pluie, pluie, grêle sur quelques centaines de mètres, repluie. Au fur et à mesure on perd des degrés passant des 29 de la veille à du 12, on se dit bon ça va encore. On avait prévu prévu le coup. On s'arrête au pied du Mont Blanc avant de passer la frontière suisse et on casse la croûte, petit rayon de soleil et on repart. Arrivée en Suisse c'est le déluge. Trombes d'eau, on perd encore quelques degrés et il nous reste 4h peu ou prou de route.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Vous l'aurez compris... les premiers jours c'était pluie! Le lendemain pareil, on arrive un peu avant le lac de Côme et le lendemain on a 120 bornes à faire et 4h de route (pour ceux qui ne le savent pas, le lac de Côme c'est super beau mais c'est super chiant! Quasi tout est limité entre 30 et 50 donc tout traverser c'est compliqué).
On se pose au bnb et on se réveille avec un beau soleil! On a finalement traversé le pire. Vu la météo de la veille, on graisse nos chaînes le matinet donc moi bécane neuve, 1050DE toute belle, avec une monte qui m'était inconnue (Dunlop Trailmax Mixtour), j'en suis à 1800 bornes environ sur la bécane et je checke les pneus et là. Je suis au témoin
Je me dis que je dois être fatigué tout ça, je demande à un pote de checker et... oui je suis bien au témoin.
Et chose plus cocasse. Ce n'est pas juste un pneu au témoin en moins de 2.000km mais QUE sur la bande de roulement. Sachant que l'on a fait QUE de la route de montagne, c'est pour le moins cocasse. Il nous reste un peu moins de 2.600km de route à faire. Je fais un calcul rapide : pneu au témoin en 1800km + 2600km de route à faire = pneu pas tenir.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Bon. Comme disait JFK "faut pas s'laisser abattre", on met les grosses sur le ferry et on va se poser autour de Come. Je prends mon tél et je passe des coups de fil un peu partout histoire de trouver un 150/70/R17. Jusque là, rien de compliqué, on est d'accords?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je parle italien comme une vache espagnole bourrée qui parle anglais à un russe. Donc autant dire, je ne pouvais que trouver un pneu! J'appelle Suzuki Come, ils ne peuvent pas m'aider, ils peuvent me commander le pneu mais ils ne l'auront que 2-3 jours plus tard, donc pas possible, ils me conseillent d'aller voir un spécialiste du pneu que j'appelle et qui me dit c'est bon viens, je laisse tout le monde en plan (il est genre 15h) et je me tape 60 km du bord du lac (1h30...) j'arrive au magasin et "ah mais on fait pas de pneu moto, on peut les commander pour dans 4 jours". Toujours pas bon. Les autres me rejoignent, je passe voir Suzuki quand même et le chef mécano me dit "ah si on a un pneu!" Parfait! "Mais on peut pas le monter, le monteur de pneu est pas là" ........
Il est 18h et ils ferment donc "ciao".
Super!
On continue jusqu'au BNB du soir, proprio super sympa, on papotte et je lui demande pour un garage, il m'en conseille un dans le coin, réputé etc... je me dis ok, j'y vais le lendemain matin, garage tenu par ancien champion d'enduro! Il connaît Sonny Goggia, qui vient toujours chez lui pour ses bécanes perso. Je me dis "Wow!" le mec me trouve un pneu (Michelin T66x), il prend mon pneu arrière, j'ai un coup de fil des autres que je prends, il me change le pneu et me dit "ok c'est bon", je repars avec un pneu tout neuf et en moto simone!
Beau soleil, route séche, tout va pour le mieux, on enchaîne les cols et on arrive à l'orée des Dolomites, on tombe sur un petit resto gastro pas cher et on se pose. En fumant une clope je regarde mon pneu tout beau tout neuf, voir si je suis loin de la bande de peur et... oh! Mais ce serait pas des craquelures sur la bande de roulement? Je regarde de plus prés... oh! Mais ce serait pas des craquelures dans les interstices? Je regarde de plus prés... oh mais ce serait pas des craquelures profondes sur les flancs?
Et si! On est à 150 bornes du garage qui m'a gentiment mis un pneu à 200€ et évidemment il était ouvert que le matin. Pris d'un doute, je checke complétement le pneu et OH! Fabriqué en 2013! Du coup, pneu collector, dix ans d'âge c'est pas mal mais c'est con c'est pas du whisky.
Pendant que les autres mangent, j'envoie des photos à mon concess (qui était au courant de mes pérégrinations), et le chef mécano me dit que ça pue du cul. Donc rebelotte, je cherche un autre garage, je tombe sur un KTM/Husq à 30 bornes du resto et sur notre route, j'appelle et miracle ils ont un pneu en stock et ils m'attendent.
Je finis de manger en speed (autant dire j'ai rien pu avaler) et je trace, les autres me rejoignent un peu plus tard. J'arrive, grosse concession, deux mécanos qui bossent sur une panigale dans un coin, un autre sur un 690 en train de bosser sur la fourche, ça change... le chef mécano prend ma bécane et s'y colle. Je reste avec lui tout du long, démontage du pneu et... (je ferais des photos de l'état actuel), il tique. Il prend un chiffon, nettoie la jante...
*Interlude*
J'ai une 1050DE noire. Carrénages, guidon, bulle off-road fumée, crash bars noires et jantes noires...
*Fin de l'interlude*
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une belle ligne gris métal sur tout le tour de la jante d'un côté, de l'épaisseur des rayons... le garage du matin a bouffé 2mm de profondeur sur la jante en la déchappant avec sa machine, mettant la jante à fleur avec les bouts des rayons. Mais tout va bien! Les copeaux de métals sont restés au fond du pneu que le mécano me montre d'un oeil désapprobateur, en plus de tapotter la date sur le pneu en m'engueulant en italien. J'essaie de lui expliquer avec un baragouinage mi-français mi-anglais mi-espagnol, il finit par comprendre et me met un beau Metzeler Tourance (jamais eu cette monte) tout neuf datée de 2023, et il insiste sur la date!
On repart, et route encore plus magnifique, entre temps les nuages sont revenus mais on s'en fout. On monte, on monte, on sait qu'on est dans les dolomites mais nuages bas et on voit rien jusqu'à un haut col. Et là... vision de rêve.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Celles qui se sont cachées depuis des kilomètres se montrent enfin et c'est irréel. C'est juste magnifique.
Vingt minutes plus tard? Un déluge par 5°. Trombes d'eau sur trombes d'eau. On roule en direction du bnb et on doit s'arrêter, un pote ne se sent pas bien. On trouve un café à 19h30, on cale les meules et on se met au chaud. Il est frigorifié, il tremble, peut à peine parler. On lui vire ses fringues mouillées au milieu des badauds, il met des fringues séches et il s'endort sur la table. On le réveille, on lui fout une couverture de survie et on essaie de le réchauffer... ce con se tapait une hypothermie. On regarde le temps qu'il nous reste jsuqu'au bnb, et c'est beaucoup trop pour lui sans même que l'on ait besoin de lui demander.
Pendant qu'on parle de ce qu'on doit faire avec un pote dehors, on le voit se lever de table et courir aux chiottes pour vomir.
On trouve un hotel en urgence, à 2minutes du café qui était en train de fermer et on y passe la nuit.
Lendemain, on trace au dernier bnb dans les dolomites (que nous n'avons toujours pas vues et pourtant traversé...) dans lequel on avait prévu de passer 2 jours pour se reposer et faire un peu de TT. Mon pote se sent mieux, il est pas encore vif mais ça va. Arrivés le soir, la température oscille entre 2 et 5°, et madame commence à se sentir mal... comme l'ami de la veille. Arrivé au bnb, elle s'écroule, crampes d'estomac, tremblements, etc... Je vous la fait courte : on est tous tombés malades les uns après les autres.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]On avait donc prévu 2 jours. Le lendemain de notre arrivée, les malades étaient couchés et avec les survivants on s'est fait une session météo et carto. La météo avait BIEN changé, le surlendemain on devait être en Autriche et là où on devait avoir du 12-18° avec pluie légère et partiellement ensoleillé on se retrouve avec neige ou pluie et neige mêlés oscillant entre 1 et 8° non-stop pendant une semaine. On en profite pour checker les cols et... plus de la moitié ont été fermés pour cause de neige. Mi-mai. Normal. Tout va bien.
On se retrouve à devoir virer environ 1000km de routes de cols pour les remplacer par 1200 de voies rapides/autoroutes. Sans parler de l'état de santé des deux
faibles malades. On se rend à l'évidence : continuer pour continuer, sans que l'on ne profite à 1000% des décors, pas pouvoir rouler sans risque (de se retrouver bloqué, de se prendre une plaque de verglas ou quoi qu'est-ce), sans pouvoir se faire tous plaisir... on se dit que ça ne vaut pas le coup. Claquer des thunes juste pour dire "on l'a fait" sans vraiment l'avoir fait ça enlève tout sens au trip.
J'annule tous les bnb. 9 nuits annulées, on devait aller jusqu'au sud Tyrol, rester 2 jours à faire du TT, continuer sur Innsbruck, faire un petit détour par le Lichtenstein, la Suisse et rentrer par la Haute-Savoie et le Vercors. Finalement ce sera retour en 2 jours par les autoroutes en passant par Milan. On va se coucher...
Petite odeur de café au réveil, on sait qu'on repart ce matin, l'âme en peine. Les malades parcequ'ils s'en veulent d'être tombé malades, nous parcequ'on s'en veut de ne pas pouvoir les aider à se remettre sur pied. On sort boire le café sur la terrasse et on regarde la montagne.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]- Tiens c'est marrant...
- Ha je me disais la même chose.
- Y avait pas de neige aussi bas hier. Si..?
- Attends *pote prends son tél et regarde la météo* Ah. Bah il va neiger. Aujourd'hui. Ce matin en fait.
On finit de rassembler les affaires, on charge les meules et on part. On a 5km à faire et on reprend un col qu'on avait pris à l'arrivée. Arrivée en bas du col : route fermée. Un truc écrit en italien avec des heures d'ouverture du col. Au même moment, un camion arrive, voit 5 cons à moto devant le panneau, s'arrête et nous explique que le col est fermé pour abattage et qu'il y a des arbres qu'ils font tomber sur la route, il faut attendre 4h pour la réouverture du col, sinon il faut prendre l'autre versan. La route a l'air plus sympa, on se dit banco!
1200m 9°, 1300m 8°, 1350m 6° ... on arrive à 1600m et 1°.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Totalement surréaliste, si vous regardez bien, sur la photo il y a trois voitures cachées dans la neige...
On passe sur une route verglacée mais dégagée, on roule doucement, il neige. Un silence parfait (ou presque), on arrive sur un petit ruisseau et le lead s'arrête. On s'arrête tous et on coupe nos moteurs. Un troupeau de biches s'abreuve dans le cours d'eau. On tente de prendre une photo, et on entend un vacarme nous arriver dessus, les bêtes prennent peurs et passent sur la route pour remonter de l'autre côté, et 8 bmw en mode voiture de kéké friqué pétarades et passent en trombe manquant de nous faire tomber. Joli retour à la réalité.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]On descend le col, bloqué par les bagnoles qu'on rattrape aisément tout en roulant à 40. On trace vers le dernier bnb et vers 16h... je commence à être malade à mon tour. On se sépare, deux potes doivent passer dans un magasin à 2h en amont du bnb, je pars avec les deux malades et on va au logement. J'arrive et m'écroule sur le lit, crampes, sueurs froides etc...
19h. 20h. Les deux autres qui devaient arriver vers 18h30 toujours pas là.
Je reçois un appel :
- Tu fous quoi? On commençait à flipper!
- Alors c'est très drôle, en fait, je suis dans un garage honda, le mécano est en train de prendre une vis sur une Africa neuve pour la mettre sur la mienne parceque j'ai la vis de la béquille qui a disparu sur l'autoroute.
Mon pote sur l'ATAS a perdu une vis de 10cm de long qui tenait le limiteur de béquille. Et bref les détails, sa béquille s'ouvrait et se fermait d'elle même. Il s'en est rendu compte en arrivant au premier magasin quand il a essayé de béquiller et que la béquille a fait un 180° en avant.
Ils arrivent vers 21h, on va se trouver une pizzeria aprés le conseil de la nana du bnb et on se fait une soirée pizza bière en se marrant comme des cons en se rappelant tout ce qu'il vient de se passer.
Et le lendemain, fin de la route, pluie la moitié du temps et arrivée sur la côte: grand soleil jusqu'à notre arrivée.
Fin!